A cette aventure devenue souvenir d'une vie

photos by Lélé

Les émotions se bousculent encore un peu dans nos têtes et dans nos coeurs. J’ai souhaité plus d’une fois être ce jour. Ce jour où le “connu” redeviendrai mon quotidien. Ce jour où nous retrouverions nos proches et où les habitudes reprendraient. Ce quotidien où la spontanéité qui est en nous pourrait revivre et où nos rires pourraient éclater sans peur de nous surprendre nous même. 

Nous étions dans l’avion du retour et j’ai eu cette impression que nous étions partis hier. Mais alors, si nous sommes partis hier, c’était sans aucun doute la journée la plus longue et éprouvante de notre vie. 
Nous sommes de retour avec un bébé devenu petit garçon, un chien qui a définitivement peur de l’avion et nos souvenirs. Nous sommes de retour et définitivement marqués par ces 10 mois que nous avons passé à l’étranger.

Des souvenirs pleins la tête et pleins nos cœurs. Les rencontres, les paysages, les découvertes et nos écrits comme mémoire que cette aventure a bien été réelle. Nous l’avons fait. 10 mois de road trip en famille. 10 mois à vivre d’imprévus et de lâcher prise. 
Nous nous sommes redécouvert durant ces 10 mois. Nous avons vu la face la plus sombre de chacun de nous alors que la peur et l’inquiétude rodaient. Nous nous sommes alors éprouvés mutuellement. Nous nous sommes portés l’un et l’autre à tour de rôle, parfois dans un profond désespoir. 
Les sentiments humains sont parfois contradictoires. Lorsque nous repensons à notre voyage nous avons beaucoup de nostalgie de ce temps mis à part en famille. 
Au fil des mois, Caleb a oublié, les visages, les noms, les lieux. Il ne reste plus pour lui que la mémoire générale de ce voyage devenu la destination de ses legos, de ses playmobiles et de ses histoires inventées: le Canada, l’Amérique du Nord. Il ne reste plus pour lui que sa facilité déconcertante à rouler des heures en voiture sans se lasser, sa facilité à dire au revoir aux personnes chers à nos cœurs, son adaptabilité.
Sa mémoire d’enfant crée alors tout un tas de souvenirs fictifs ou le Canada devient le lieu où il a tout vu et tout vécu. 
Parfois ça me rend triste parce que cette mémoire oubliée est pourtant celle qui l’a façonné à une étape importante de son développement. 

Et puis, il y a maintenant un peu plus d’un an, nous sommes revenus, quelques rides en plus, les visages fatigués par ce voyage que nous n’aurions jamais imaginé si dur. 
Mais en réalité, nous ne savions pas que ce voyage serait seulement le début des changements. Être travaillés dans son cœur, se laisser façonner, changer sa vision. 

A notre retour, nous avons posé nos valises en Isère, dans une maison appartenant à ma grand-mère paternelle. Et, alors que j’imaginais reprendre la vie un peu comme nous l’avions laissé, les challenges se sont poursuivis. Faire confiance à Dieu, vivre au jour le jour, ne pas avoir peur du lendemain. 

Lars a commencé des études de théologie à plein temps (à distance), en même temps qu’il a monté son auto-entreprise pour donner des cours d’anglais et de norvégien (en présentiel ou à distance). Parallèlement, il a créé tout un bagage de formation pour accompagner gratuitement des chrétiens en demande de mieux connaître la parole et savoir se positionner concernant les sujets d’éthique. Je suis d’ailleurs fière de ce cœur si entier qu’il met dans son travail. Sans compromis envers la parole, c’est un combat difficile et quotidien. Cette année a donc été très challengeante pour lui mais aussi encourageante avec la présence à ses côtés de leaders chrétiens Américain, Canadien et Français. Avec toutes ces casquettes, il a bien sûr également tenu son rôle d’époux et de père avec un cœur plein de patience et d’amour. Je suis reconnaissante de cet époux merveilleux avec lequel je co-construis au quotidien. 

Pour ma part, cette rétrospective de l’année scolaire passée n’est pas le portrait d’une vie rêvée. J’ai continué d’être travaillée par Dieu à bien des égards. Et, alors que je pensais que le plus dur était derrière moi, j’ai été surprise par ce que mon cœur pouvait renfermer. 
Le cœur humains est tortueux à bien des égards. Nous avons tous besoins de nous laisser toucher chaque jour par la grâce de Dieu. Nous nous apercevons alors que marcher dans ses voies ne signifie pas être privilégié. 
Être chrétiens, ne veut pas dire que nous sommes mieux que les autres ça non. Cela signifie que nous reconnaissons chaque jour que nous sommes pêcheurs et que Dieu seul, par son amour et sa grâce peut nous sauver. Nous oublions souvent à quel point la porte est étroite pour accéder à la vie éternelle. 
Je l’ai bien trop souvent oublié. Avoir des responsabilités dans nos églises peut d’ailleurs facilement nous faire oublier que la porte est aussi étroite pour nous que pour nos frères et sœurs dans l’assemblée. Si je suis sauvée, c’est par grâce. Si je suis sauvée c’est par grâce et non pour ma voix qui émeut l’assemblée. Si je suis sauvée, c’est par grâce et non parce que je suis douce envers les autres. Si je suis sauvée c’est par grâce, que je sois celle qui demande de l’aide ou celle qui en dispense.

Durant ces deux dernières années, Dieu a travaillé ma sanctification, mon cœur blessé, mon cœur orgueilleux. Se recentrer sur l’essentiel, avoir pour lampe sa parole seule. 

Etre une enfant de Dieu, une épouse et une maman se laissant façonner. 

Et puis, durant cette année, notre fleur du printemps est arrivée, petit soleil Norvégien. Solveig est venue faire de Caleb un grand frère et de Lars et moi des parents comblés. Aussi comblés qu’épuisés, il faut le dire.

Avec elle, ma maternité est challengée. Aussi épanouie qu’épuisée, Solveig est venue telle une claque d’humilité. Bébé intense dans ses joies et dans ses peines, bébé vocal,  bébé koala-bras (de 9kg tout de même), elle aime que tout soit toujours en mouvement, bébé tonique, dormir ne l’intéresse pas. La porter ne suffit pas, il faut bouger. 
Avec elle j’ai compris que l’amour ne se divisait pas mais qu’en effet il se multipliait. Avec elle j’ai compris ce que c’était que de devoir se partager. Avec elle je suis aussi parfois renvoyée à moi-même et à mon cœur pas toujours très beau. Avec elle, j’ai compris (et je comprends encore) avec plus de douceur que la parentalité peut être difficilement éprouvante. Avec elle, je suis parfois renvoyée à mes sombres pensées. Solveig, elle me fait chaque jour progresser.  M’appuyant sur Dieu, je me laisse transformer. 
Elle m’apprend à ne pas comparer et à aimer l’autre dans son entièreté. Elle m’apprend que chaque enfant est différent. 
Avec solveig je réécris chaque jour ma vision de la parentalité, un vaste programme, celui d’une vie. 

Des enfants entiers et entièrement eux. Ma douceur et mon acidulée.

Mais, les voir s’aimer est un merveilleux spectacle et un merveilleux cadeau. Je suis là tout près, aux premières loges. Je suis là et j’apprends de leur caractère entier et de leur amour sans condition. Je suis là tout près et j’apprends de leurs joies et de leurs peines. Je suis là tout près et j’en apprends sur moi encore et toujours. 

Cette année scolaire qui s’offre à moi s’annonce grande de nouveautés. Instruire son enfant à la maison… tout un programme. Un équilibre quotidien à trouver, une douceur et une patience à renouveler chaque jour. 
Jongler entre un petit garçon en quête de savoir et de découvertes et un bébé curieux de tout ce monde à découvrir. 
C’est donc une toute nouvelle aventure qui s’offre à moi celle d’être une maman, une instructrice et la gardienne du cœur de mes enfants. Être à côté d’eux, leur apprendre et apprendre chaque jour. 
Etre l’éducatrice de mes enfants et me spécialiser chaque jour: sur les bobos, les apprentissages formels et informels, les obligations du rectorat et nos découvertes impromptus, les apprentissages induits et autonomes. Me spécialiser dans les petites choses du quotidiens, dans l'imagination et la créativité. Ne pas avoir peur des apprentissages mais osez apprendre et réapprendre chaque jour à leur côté. 

Et puis, durant cette dernière année, de nouvelles amitiés sont nées. Tout à commencé au détour, d’un footing et de fil en aiguille des amitiés se sont tissées. Dieu est bon. Il connaît ma difficulté à aller vers les autres. C’était sans compter sur Alexandra, Voironnaise de toujours, aimant discuter et créer du lien. Nos enfants ont tout de suite accrochés et c’était le début d’une belle amitié. Effet papillon d’autres amitiés son nées de ce simple footing automnale ou Caleb m’avait accompagné.

C’est parfois difficile de tout recommencer à un âge ou on aimerait plutôt se poser et profiter. Être challengée encore et toujours. Allée à la rencontre de l’inconnu, apprendre à connaître de nouvelles personnes, se faire violence et oser demander. “Frapper et l’on ouvrira, demander et vous recevrez”. Dieu est bon, sa parole est vivante et ses promesses se renouvellent chaque matin. 
La vie avec lui n’est pas la plus simple, mais lorsqu’on lui abandonne tout c’est la vie la plus rassurante. Tout est écrit. Il trace un chemin, Il ouvre la voie, Il nous connaît. 

A cette aventure devenue souvenir d’une vie et à ces souvenirs devenus promesses d’un nouveau départ.