31 mars 2019, une belle journée.
Cela fait de nombreux mois que je ne t'ai pas montée. Pour être tout à fait honnête, cela fait de nombreux mois que je te regarde sans vraiment te voir. Je sais que si je te fixe trop longtemps dans les yeux, tu vas me renvoyer cette tristesse qui t'habite. Celle d'être un cheval solitaire, une jument oubliée, comme un jouet que l'on met dans un carton. Je me suis déconnectée durant ces dernières années, alors tu t'es éloignée. Je mentirai de dire que la complicité a perduré. La complicité, elle se mérite et je ne la mérite plus depuis de nombreux mois. C'est à contre cœur que les années nous ont éloigné. A nos chevauchées et à ta résilience. Aujourd'hui, je me suis obligée à te regarder et à me laisser toucher. J'ai senti mon cœur battre la chamade. C'est alors q'un tourbillon m'a envahi. Je ne pouvais pas repartir et te laisser seule, une fois de plus. Alors nous sommes parties en balade. Souviens toi ma Belle comme c'était bien, il y a quelques années... Mon insouciance et ta confiance. Je me levais dès l'aube. Du levé au couché du soleil, je ne jurais que par toi. Mon monde tournait autour de toi. Tout était minutieusement calculé en fonction de ton bien être. J'étais dans le début de l'adolescence. Avec toi, j'ai appris ce qui était acceptable et ce qui ne l'était pas. J'ai fait des erreurs, pas mal d'erreurs, mais toi, ma douce jument, tu ne m'en as jamais tenu rigueur. Tu as semblé me pardonner chaque faux pas. Ma belle, souviens toi de nos premières randonnées, quand j'ai su que mon cheval idéal s'appelait TOI. Ma belle souviens toi de nos grands galops sur la ligne de gaz, nos baignades à l'étang, de nos longues balades, de mes chutes et de tes "coups de cul". Souviens toi de ces temps de complicité. Je te sifflais et tu venais; je levais les mains et tu te cabrais; la révérence, les décalements de hanches. Je te connaissais dans les moindres détails. Je te montais sans selle, sans filet, debout sur ton dos, une confiance aveugle; aucun artifice, juste toi et moi. Je restais là à te regarder pendant des heures. Ma belle souviens toi le nombre de bottes de paille brassées; les mains gelées à casser la glace de ton abreuvoir à 5h30 du matin; les bidons d'eau à transporter l'hiver quand tout était gelé, les ampoules aux mains, les piqûres pour lutter contre cet asthme qui ne te lâche pas. Ma belle, souviens toi de ces petites inquiétudes, ces grosses peurs mais toujours la joie et la douceur d'être ensemble. A nos chevauchées et à ta résilience. Un jour, je me suis rendue compte que cette passion qui m'habitait était aussi enivrante qu'étouffante. Il n'y avait de la place pour rien d'autre. Tout devait tourner autour de toi, mon organisation c'était TOI. Ce constat m'a fait l'effet d'une plaie ouverte. Je m'en suis alors voulue. Je préférais ma jument à tout le reste. Tu étais mon addiction. Ma passion était devenue ma prison. Et puis je me suis éloignée... et le temps est passé. C'est difficile, parce qu'aujourd'hui mes rêves et mes aspirations vont nous séparer. Mais tu es toujours là dans un coin de ma tête et dans mon cœur; celle qui a rythmé mon adolescence; celle qui m'a appris très tôt le sens des responsabilités. Toi ma Belle... tu m'as fabriqué des souvenirs magiques. Tu m'as aidé à progresser, à devenir plus douce, plus patiente, plus persévérante. 31 mars 2019, le temps est comme suspendu. J'ai une pointe d'appréhension. Je ferme les yeux. ces sensations m'avaient manqué; mon bassin dessinant gracieusement un 8 avec le mouvement de ton pas; la selle grinçant sous mon poids, ton odeur (celle avec laquelle je me suis shootée durant de nombreuses années), ta respiration. Tu es inquiète et moi un peu honteuse. Ces chemins, ont les a pris tellement de fois. Tu les connais par cœur. Pourtant depuis de nombreux mois, il n'y a que ton paddock et tes champs qui n'ont plus de secret pour toi. Tu n'as pas pu voir tous ces changements aux alentours. Oui ma belle, les bois ont été coupés et puis en effet, cette souche proéminente n'existait sûrement pas jadis. N'ais pas peur. Écoute ma voix, celle que tu as trop peu entendu durant cette dernière année. Réapprenons à nous faire confiance pour ces quelques mois restant. Ma belle, laisse moi te réapprivoiser. Une petite balade pour se remettre en selle; tu as chaud, le vent te stresse. Tu accélères ton pas. Je m'efforce d'être la plus paisible possible et de te rassurer. Tu ralentis puis t'apaises. C'est une bonne balade, le temps pour moi de pleurer en repensant au passé et à ce qui m'a éloigné; le temps de profiter de ces sensations retrouvées qui m'avaient tellement manqué; ne regrettant en rien mes choix mais m'en voulant de t'avoir imposé davantage cette solitude artificielle. De retour dans ton champs, je descends. Je te brosse. Tu me regardes. Ces 30 minutes qui viennent de s'écouler nous ont comme reconnectées. Tu sais, si je pouvais, je t’amènerai. Partout ou je verrai des ranchs je t'imaginerai. Le moindre cheval me fera penser à toi. Tu seras toujours dans mon cœur et dans mes pensées parce que tu as partagé la route avec moi, une route parsemée d'obstacles, de joie et de peines. Ma douce, ma belle... A toi et à tes yeux réclamant la liberté. A mes erreurs et à mes progrès. A ta douceur et à ton caractère bien trempé. A nos chevauchées et à ta résilience. A nous et à nos souvenirs à jamais dans mes pensées.
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