Lorsque je parle avec des personnes de mon métier, j'ai souvent à faire à cette question: "Tu es éducatrice spécialisée, mais spécialisée en quoi?" Quelle vaste question! J'ai également eu à faire à des personnes plus pessimistes me disant: "Je connais ce milieu, les éduc' pensent tout savoir et s'écoutent parler, j'espère que tu ne seras pas comme ça!" Quelle triste manière de résumer mon métier et de m'encourager! Lorsque j'étais enfant et même adolescente, je souhaitais travailler avec les animaux. J'étais dans un lycée agricole et donc pas mal sensibilisée aux questions de l'environnement, de la faune et de la flore, c'était une passion. Certains m'appelaient même "green peace". Malgré tout, j'ai toujours eu un cœur pour les Autres. Attirée par l'Afrique depuis toujours, j'ai avec le temps laissé les girafes, les éléphants et différents félins de côté (ça ne veut pas dire ne plus aimer ça Hein...) pour m’intéresser aux populations! En 2008, avant de fêter mes 18 étés, mes parents m'ont financé un voyage humanitaire au Niger. Ce voyage a été le plus merveilleux que je n'ai jamais fait! (article à venir). Là bas, j'ai vraiment découvert une passion pour l'aide aux personnes défavorisées, une passion pour les relations humaines. De retour en France, j'ai donc revu mon orientation professionnelle cherchant dans les métiers de l'humanitaire... J'ai tenté à deux reprises d'entrer dans un DUT gestion et développement de l'action humanitaire à Bordeaux. Sans succès, cette voie n'était pas pour moi. Trop jeune, peut être pas assez d'expérience et un manque de maturité je pense. Je ne me suis pour autant pas découragée et ai commencé à chercher d'une autre manière. A l'époque je me suis juste dit: "qu'est ce qui peut ressembler à de l'humanitaire en France?" A force de recherches, je suis tombée sur le métier d'éducateur spécialisé. A la lecture de différentes descriptions, témoignages, ça a été le coup de cœur! Mes parents m'ont à ce moment là payé une prépa concours carrières sociales à Montpellier. J'avais besoin de ce temps de formation et de "formatage" pour réussir à passer les concours avec un stress moindre et être préparée! Ce temps a été un succès pour moi. J'ai eu tous mes concours et donc l'embarra du choix: Perpignan, Nîmes, Toulouse, Bergerac. La décision finale a été pour l'école de Bergerac, moins chère, et plus proche de chez mes parents ou je pouvais donc rentrer chaque week end. De la famille pouvant m'héberger gratuitement a motivé ce choix. Après trois ans de formation, des stages, des dossiers encore et toujours, le mémoire à s'en arracher les cheveux, les heures passées face à moi même pour réussir à écrire, j'ai décroché mon Diplôme en 2014! Quelle joie!La spécialisation de l'éducateur spécialisé en MECS- une histoire de quotidien. Avant même la fin de mon diplôme j'ai travaillé dans une Maison d'Enfants à Caractère Sociale (MECS dans le jargon du travail social). Pour faire court, ça fait parti du domaine de la protection de l'enfance, ou des enfants de 6 à 18 ans (voir plus si dérogation) sont placés, soit avec l'accord des familles (parfois même par demande de celles-ci) soit par décision de justice. On retrouve dans cette institution des enfants victimes, des enfants auteurs...des enfants avec ou sans famille... des enfants brisé et certains en reconstruction, des enfants en colère et d'autres dans un processus de résilience. J'ai travaillé durant 8 mois dans le quotidien de ces gamins. J'avais cette impression de vivre avec eux. Pour tout dire, je les amenais même dans un coin de ma tête lorsque je rentrais chez moi. La coupure était difficile à faire. C'est une sacré responsabilité d'être éduc en MECS... Lorsque j'étais du matin, je devais être à la MECS pour 6hOO afin d'assurer le lever, le petit déjeuner et la conduite aux écoles. Lorsque j'étais du soir c'était jusqu'à 23h30 pour assurer le retour des écoles, les devoirs, les repas, les couchers. Parfois plus tard si un-e ado décidait de se coller les doigts avec de la colle pour les faux ongles par exemple... Il y a aussi des horaires de journée ou parfois, on peut prendre le temps de se poser et de faire les écrits professionnels, parfois, le temps n'y est pas... il y a cet enfant qui ne va tellement pas bien qu'il a été viré de l'école, il faut donc être là pour lui, l'aider... à aller mieux... dans son mal-être.... (c'est un peu une tâche de super héro ça). Il y a ces moments de rire, de folie, ou tout le groupe va bien. Et puis le lendemain (ou parfois dans la même journée) tout explose... le groupe se décompose, part en morceaux, il faut courir dans tous les sens, essayer de rassembler, de colmater. As-tu déjà vécu en groupe H24, 365 jours par an, à deux ou trois dans la même chambre??? En plus parfois, tu te retrouves avec un enfant énurétique ou encoprésique...ça c'est déjà difficile... En tant qu'éduc', il faut alors être un médiateur, aider chacun à se respecter, à se pardonner, à ne pas se moquer... mais pas facile lorsque le réveil sonne et que ta chambre sent l'urine et les excréments... pas facile à vivre non plus si, l'autre enfant ne va tellement pas bien que lorsque tu te moques tu te retrouves avec une virgule d'excrément sur ton oreiller... Il faut à la fois gérer le quotidien d'un groupe et le quotidien de chaque individualité... difficile à faire. Alors dès fois, on passe à côté de choses importantes. Dès fois on se trompe aussi, on blesse, alors il faut demander pardon. L'éducateur travaille ici avec le quotidien et doit essayer de mettre une routine, un cadre sécurisant à des adolescents étant parfois de vraies bombes à retardement. C'est un temps qui a été pour moi très formateur. Les enfants vous apprennent la patience, la persévérance, et l'importance de la douceur. Pourtant, laissez moi vous dire qu'ils ont un don pour vous faire sortir de vos gonds. L'adolescence est une période difficile, mais chez des enfants carencés, cette difficulté est comment dire ... multipliée! Vous savez... c'est difficile d'aimer un enfant qui fait tout pour être rejeté et coller à son histoire familiale. "Si tu m'aimes, ne m'aimes pas, mais si tu ne m'aimes pas, je serai alors que j'ai raison de ne pas faire confiance aux adultes". J'ai aimé travailler en MECS! J'ai fait le choix de ne pas accepter la prolongation de mon contrat pour des raisons de priorités et de choix de vie. J'étais mariée depuis moins d'un an et Lars ayant des horaires de bureau, on ne faisait que se croiser. Ce n'est pas ce que l'on souhaitait pour notre vie de couple et de famille. J'aime tous ces enfants, mais il a aussi fallut que j'accepte mes limites. Pour moi, elles étaient là, dans la priorisation de ma vie privée. La spécialisation de l'éducateur spécialisé en SAJE-Une histoire de douce fermeté.Par la suite, Novembre-Décembre 2014, j'ai bossé en Interim dans un service de jour d'accueil expérimental (ça fait peur hein?). L’appellation pourrait faire penser à des expériences bizarres sur des enfants pas comme les autres. En réalité, ça m'a fait un peu peur le premier jour, mais les jours suivants ont été très formateurs! Je ne donnerai pas ici de définition sur l'autisme ou sur ces enfants si particuliers. Je peux juste dire que cette structure accueille des enfants qui viennent d'institutions médico-sociales et qui sont en rupture avec cette dernière. Ils deviennent alors ces enfants "incasables" qu'il faut à tout prix "re"sociabiliser, avec douceur et patience. Le calme de l'environnement de travail m'a toujours surprise. Cela apaise les enfants, leur fait du bien. Ne pas avoir peur du silence... s'en servir comme d'un outil précieux. Dans cette petite unité, chaque enfant à son espace, sa "chambre/pièce". Les éducateurs font du un pour un. les temps collectifs se font toujours dans le silence et le respect de l'Autre. Je n'ai travaillé que trop peu de temps dans cette institution pour réussir à partager avec passion ce que j'y ai vécu. Ne pas avoir peur de la différence (des cris, des bruits de bouche bizarre), entrer dans la bulle de ces enfants, savoir mettre des limites lorsque certains ont tendance à nous considérer comme des objets. J'ai aimé par dessus tout, les considérer un par un, prendre du temps pour chacun, les "apprivoiser", créer du lien, leur redonner tout le côté humain que chaque regard extérieur à tendance à leur enlever. J'ai aimé essayer de contribuer à leur redonner une seconde chance dans leur parcours médico-sociale, j'ai aimé me battre pour essayer (à mon échelle) de faire ressortir le meilleur d'eux même, pour essayer de faire ressortir ce qui est enfouis au fond de ces êtres pas comme les Autres. La spécialisation de l'éducateur spécialisé en CHRS- Une histoire d'écoute et d'accompagnement vers le changement.Depuis le 12 février 2015, je travaille dans un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale pour les Familles. (En 2012-2013, j'y avais réalisé mon stage long de mémoire pour ma formation d'éducateur spécialisé). Ce CHRS accueille des familles françaises ou étrangères en leur mettant un logement à disposition en contrepartie d'une participation financière. Avec ce logement, il y a un accompagnement sur plusieurs axes à savoir: budgétaire, administratif, parentale, sociale, professionnel etc en fonction des besoins de chaque famille. L'objectif en "gros titre" étant d'insérer ou de réinsérer ces familles. Je préciserai là que mon objectif en tant que "référente" de 5 familles est de les aider là ou elles en sont dans leur parcours de vie. Certaines, ayant fui leur Pays n'ont besoin que d'un accompagnement administratif et d'une aide pour l'insertion professionnelle. D'autres sont très loin de l'emploi et vont avoir besoin d'être accompagnées sur : l'entretien de leur logement, la parentalité, la gestion de leur budget etc. Certaines de ces familles ont une seule problématique alors que d'autres les cumulent. Certaines reconnaissent leurs difficultés, d'autres sont dans le déni. Le travail avec le système familiale dans son ensemble est quelque chose que je trouve passionnant. Ici, chacun est pris en compte, on essaie que personne ne soit laissé de côté. On aide les familles à comprendre leur parcours, pourquoi elle en sont là, comment elles peuvent faire autrement, par quels moyens. Le quotidien avec ces familles est très intense et parfois même épuisant mentalement. Vous savez, désirer le changement de tout son cœur pour une famille, voir les zones d'ombres et avoir en tête les solutions ne fait pas tout... cela ne fait même rien! Si les personnes ne désirent pas elles même le changement, le temps en CHRS ne sera pas efficient dans le sens ou on l'entend... Il faut accepter que leur situation, leur appartient... que sans elles, nous ne pourrons rien! Le but est de les accompagner au changement, de les aider à changer leurs mécanismes... Certaines sont prêtes, d'autres non. J'aime le travail dans ce centre d'hébergement et de réinsertion sociale car j'ai souvent l'impression de n'être spécialisée en rien (!!!) je me remets très souvent en question sur ma manière d'accompagner et ça me fait beaucoup avancer. Je travaille avec les familles et elles m'apprennent souvent beaucoup plus que je ne leur en apprends. C'est pour moi une spécialisation à être humble et à marcher "à côté de" , c'est très formateur et on met vraiment la personne, la famille au centre de son projet. Enfin on essaye. D'accord, mais spécialisée en quoi????Vous comprenez donc que cette question a une réponse longue, très longue.
Tout dépend du lieu ou vous travaillez ce qui ajoute des options à la spécialisation... c'est clair? Spécialisé dans le quotidien d'une MECS ou encore dans le parcours de réinsertion des familles en précarité sociale. Spécialisée: -en bobologie, -à l'écoute d'histoire de vie, -à persévérer, -à supporter de ne pas toujours être considéré, -à supporter parfois l'insupportable (le manque d'hygiène, les appartement pleins de blattes, les insultes etc), -à être un tremplin pour un temps, -à accepter de se tromper et à se remettre en question, -à accepter de ne pas réussir d'accompagner une personne vers le changement, -à accepter de ne pas être tout puissant, -à créer du lien, -à prendre en compte tous les petits rien du quotidien, -à ne jamais rester sur ses acquis, -à recommencer encore et toujours...
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