Mère indigne?

On a posé nos valises à Fort Thomas dans le Kentucky, mais pour quelques jours seulement. Bientôt il faudra repartir, regarder au loin et continuer ce long chemin. De l’autre côté de la rivière c’est l’Ohio, et la nuit les hauts buildings de Cincinnati s’habillent au loin de lumières rouges et vertes.
Ce matin, les températures sont repassées au dessus de 0 et le soleil réchauffe enfin l’atmosphère. Avec Caleb et Jungle, on décide de partir pour une petite balade. J’avais vu un parc pas très loin alors on part à l’exploration. Arrivé sur place, on découvre un immense parc à chien à flanc de montagne. Quel bonheur pour Jungle qui retrouve un peu de liberté, il renifle quelques chiens, fait connaissance rapidement puis descend la colline en solitaire et disparaît de notre vue. Caleb est un peu impressionné par toutes ces bêtes à quatre pattes, il reçoit même une léchouille sur le visage avant de venir se réfugier dans mes bras. Les quelques personnes présentes s’en vont les unes après les autres ne laissant bientôt que Caleb, moi et un retraité avec sa chienne Lucy.
On commence à discuter, il s’appelle Steve (prénom modifié) et sa petite-fille a bientôt 3 ans. Avec sa femme, ils s’en occupent à plein temps mais à leur âge ils n’ont plus la même énergie qu’avant. Je lui demande si ça ne le dérange pas de me partager la raison pour laquelle lui et sa femme ont la garde de leur petite-fille. Et là il m’explique que leur fille Ornella (prénom modifié) a des problèmes d’addiction à la drogue depuis une dizaine d’années et qu’elle ne peut pas s’occuper de sa fille. Lui et sa femme ont décidé d’accueillir la petite et un juge leur a officiellement attribué la garde légale.
On discute du ravage de la drogue aux USA avec la crise des opioïdes. Il me dit que c’est sans précédent, il n’a jamais connu ça avant. Pour sa femme qui a été infirmière pendant 40 ans et qui en a vu des patients arriver aux urgences suite à une overdose, ça a été très dur de voir sa propre fille dans la même situation. Pourtant elle n’a jamais eu de problème de drogue dans sa jeunesse. Tout a commencé lorsqu’elle était jeune adulte, la vingtaine passée. Suite à une blessure au foot, elle a dû prendre des médicaments, le traitement a duré, puis l’addiction s’est installée et finalement elle a basculé dans la drogue dure.
Le soir en rentrant chez-moi j’ai repensé à cette jeune mère. Je ne sais pas où elle est en ce moment. Est-ce qu’elle est seule? Sobre? En rémission? En institution? Vit-elle chez ses parents? Où passera-t-elle Noël? Et avec qui?
Mais surtout comment se fait-il qu’elle n’arrive pas à vaincre ses démons par amour pour sa fille de 3 ans? Comment la drogue peut-elle détruire jusqu’à notre volonté la plus puissante qui consiste à protéger ceux qu’on aime plus que tout, la chair de notre chair? Comment un composant chimique peut-il briser notre esprit et imposer à notre corps une direction que notre conscience ne veut pas accepter, mais pourtant elle s’y soumet?
Qui a-t-il de pire pour un parent que de savoir qu’il est impuissant face à la souffrance de son enfant, et pire encore, qu’il en est responsable? Comment survivre à cette impuissance qui nous pousse à nous retirer de la vie de ceux que l’on aime et qu’on aurait dû protéger?
Alors que je couche Caleb, je pense à cette petite fille qui grandit sans sa mère sans savoir pourquoi. Je pense à cette mère dont la drogue a brisé sa volonté, son corps, sa vie, sa parentalité, ses liens maternels, son estime de soi, ses rêves, ses espoirs. Je pense à l’ombre de la mort qui plane sur tous ces parents qui se sentent indignes. Ces parents qui sont parfois mêmes prêt à libérer leur enfant à tout jamais du poids de leurs iniquités.
Je pense aux ravages de la drogues, à la manière dont l’homme s’enrichit en détruisant son semblable, la façon dont il tue en son âme et conscience en produisant cette semence de mort qui ôte la vie des mères, des pères, et ultimement brise la vie de ces tout petits.
Qui peut bien croire que l’homme est foncièrement bon? Et qui osera dire de cette mère qu’elle est indigne?
Nous portons tous en nous cette indignité, l’indignité d’avoir le même sang et pourtant, la prétention de croire que ceux qui tombent ne sont pas nos semblables.
Ce matin, les températures sont repassées au dessus de 0 et le soleil réchauffe enfin l’atmosphère. Avec Caleb et Jungle, on décide de partir pour une petite balade. J’avais vu un parc pas très loin alors on part à l’exploration. Arrivé sur place, on découvre un immense parc à chien à flanc de montagne. Quel bonheur pour Jungle qui retrouve un peu de liberté, il renifle quelques chiens, fait connaissance rapidement puis descend la colline en solitaire et disparaît de notre vue. Caleb est un peu impressionné par toutes ces bêtes à quatre pattes, il reçoit même une léchouille sur le visage avant de venir se réfugier dans mes bras. Les quelques personnes présentes s’en vont les unes après les autres ne laissant bientôt que Caleb, moi et un retraité avec sa chienne Lucy.
On commence à discuter, il s’appelle Steve (prénom modifié) et sa petite-fille a bientôt 3 ans. Avec sa femme, ils s’en occupent à plein temps mais à leur âge ils n’ont plus la même énergie qu’avant. Je lui demande si ça ne le dérange pas de me partager la raison pour laquelle lui et sa femme ont la garde de leur petite-fille. Et là il m’explique que leur fille Ornella (prénom modifié) a des problèmes d’addiction à la drogue depuis une dizaine d’années et qu’elle ne peut pas s’occuper de sa fille. Lui et sa femme ont décidé d’accueillir la petite et un juge leur a officiellement attribué la garde légale.
On discute du ravage de la drogue aux USA avec la crise des opioïdes. Il me dit que c’est sans précédent, il n’a jamais connu ça avant. Pour sa femme qui a été infirmière pendant 40 ans et qui en a vu des patients arriver aux urgences suite à une overdose, ça a été très dur de voir sa propre fille dans la même situation. Pourtant elle n’a jamais eu de problème de drogue dans sa jeunesse. Tout a commencé lorsqu’elle était jeune adulte, la vingtaine passée. Suite à une blessure au foot, elle a dû prendre des médicaments, le traitement a duré, puis l’addiction s’est installée et finalement elle a basculé dans la drogue dure.
Le soir en rentrant chez-moi j’ai repensé à cette jeune mère. Je ne sais pas où elle est en ce moment. Est-ce qu’elle est seule? Sobre? En rémission? En institution? Vit-elle chez ses parents? Où passera-t-elle Noël? Et avec qui?
Mais surtout comment se fait-il qu’elle n’arrive pas à vaincre ses démons par amour pour sa fille de 3 ans? Comment la drogue peut-elle détruire jusqu’à notre volonté la plus puissante qui consiste à protéger ceux qu’on aime plus que tout, la chair de notre chair? Comment un composant chimique peut-il briser notre esprit et imposer à notre corps une direction que notre conscience ne veut pas accepter, mais pourtant elle s’y soumet?
Qui a-t-il de pire pour un parent que de savoir qu’il est impuissant face à la souffrance de son enfant, et pire encore, qu’il en est responsable? Comment survivre à cette impuissance qui nous pousse à nous retirer de la vie de ceux que l’on aime et qu’on aurait dû protéger?
Alors que je couche Caleb, je pense à cette petite fille qui grandit sans sa mère sans savoir pourquoi. Je pense à cette mère dont la drogue a brisé sa volonté, son corps, sa vie, sa parentalité, ses liens maternels, son estime de soi, ses rêves, ses espoirs. Je pense à l’ombre de la mort qui plane sur tous ces parents qui se sentent indignes. Ces parents qui sont parfois mêmes prêt à libérer leur enfant à tout jamais du poids de leurs iniquités.
Je pense aux ravages de la drogues, à la manière dont l’homme s’enrichit en détruisant son semblable, la façon dont il tue en son âme et conscience en produisant cette semence de mort qui ôte la vie des mères, des pères, et ultimement brise la vie de ces tout petits.
Qui peut bien croire que l’homme est foncièrement bon? Et qui osera dire de cette mère qu’elle est indigne?
Nous portons tous en nous cette indignité, l’indignité d’avoir le même sang et pourtant, la prétention de croire que ceux qui tombent ne sont pas nos semblables.